Paris, capitale de la boucherie
L’ORIGINE DU MOT BOUCHER
Le mot boucherie est issu de « bouc » et « ier » qui signifie tuer le bouc. De ces deux termes, sont apparus « bouchier », « bochier », puis enfin boucher qui est resté dans le langage courant. Mais ces origines demeurent floues et incertaines car on peut également trouver une racine commune avec la bouche. Le métier de boucher est considéré comme l’un des plus anciens de l’humanité à cause de son aspect sanitaire qui a vu naître très vite des règlements et des organisations professionnelles.
LA GRANDE BOUCHERIE DE PARIS
A Paris, c’est à l’époque gallo-romaine que s’implanta sur l’Île de la Cité, la première boucherie sur le parvis de Notre-Dame. Elle y restera jusqu’au 15ème siècle.
Dès 1100, les boucheries se répandent à Paris autour de la Grande Boucherie, au sein du quartier historique du Grand Châtelet. Le choix d’ouvrir ces commerces à proximité de la Seine est stratégique puisqu’il permet aux animaux de s’abreuver avant d’être abattus dans les ruelles et les écorcheries, mais aussi aux marchands de nettoyer les déchets et autres détritus. La Grande Boucherie de Paris durera non sans remous jusqu’en 1587.
UNE CORPORATION ORGANISEE ET UNE REPUTATION SULFUREUSE
Le métier de boucher est héréditaire : il se transmet de père en fils. Les rois n’autorisent que quelques « créations » de bouchers, c’est-à-dire la permission à des hommes non issus d’une lignée de boucher, d’accéder au métier, mais sans transmission possible à leurs fils.
C’est une véritable communauté qui s’installe et s’organise dans le cœur de Paris. Les bouchers parisiens se regroupent en une corporation dès le 12ème siècle. Ils s’arrogent le monopole de la vente des viandes et leurs statuts indiquent qu’ils bénéficient d’avantages tels que le droit de s’approvisionner en banlieue sans payer de taxes, et de vendre du poisson en période de carême.
La corporation est représentée par un Maître Chef, élu par ses pairs. Celui-ci, au-delà de la jouissance de ce titre honorifique, profite de la fonction : les bouchers devaient lui remettre une part significative de leurs profits, justifiée par les frais de représentation et d’organisation.
Les bouchers se dotent également de leur propre tribunal privé : le Grand Châtelet. Les registres du tribunal nous renseignent sur les mœurs de l’époque. Les bouchers étaient vraisemblablement prompt à utiliser leurs couteaux pour régler leurs différends, d’où leur réputation d’hommes sanguinaires, malgré les efforts de la corporation pour les faire se tenir à carreau. Toutefois, les Maîtres Chefs peinaient parfois à donner l’exemple et l’un d’entre eux finit même aux oubliettes de la Conciergerie pour avoir crevé l’œil de son adversaire.
Le Maître Chef était accompagné de 4 jurés, élus pour un an. Leur mission consistait notamment à faire de l’inspection sanitaire et à promouvoir l’hygiène.
Les bouchers se regroupent également dans une confrérie religieuse, ouverte à tout sympathisant. Elle constitue un véritable contre-pouvoir face au pouvoir royal. Les bouchers sont en effet les commerçants les plus riches de Paris, la consommation de viande bovine connaissant une croissance forte. A plusieurs reprises, le roi dissoudra la confrérie, sentant venir les complots.
La corporation des charcutiers voit le jour en 1476 à côté des professions concurrentes (volaillers, tripiers, rôtisseurs), ce qui entraîne une baisse de la popularité des bouchers dans la cité. Cependant, ces derniers vont se battre pour conserver leurs privilèges en limitant l’expansion des autres points de vente de viande.
LES FILIERES D’APPROVISIONNEMENT
A la fin du 14ème siècle ce sont près de 600 bœufs qui sont abattus chaque semaine à Paris, pour une population de 200 000 habitants. A cette époque, il y a encore quelques petits champs dans Paris, ce qui permet de faire de l’élevage « intra-muros, mais rapidement les bouchers doivent s’approvisionner à l’extérieur, souvent grâce à des courtiers qui font venir à Paris des contingents de bestiaux des provinces proches. Les paysans dont les bœufs vieillissant ne sont plus assez vaillants pour les travaux de la ferme les vendent dans les foires. Seuls les plus riches peuvent se permettre de consommer de la viande issue d’animaux jeunes.
Dès la fin de l’ère médiévale, Charles VI eut l’initiative d’interdire les abattages intra-muros. Son idée remporta un succès modeste. Malgré de nombreuses autres tentatives, ce problème d’insalubrité, reconnu très tôt, ne fut solutionné qu’après la Révolution.