Le boeuf au musée : Rosa Bonheur
Chez les Beaux Quartiers, nous aimons le bœuf ! Et puisque nous l’aimons, nous savons aussi l’apprécier en dehors de nos assiettes. Vous serez peut-être surpris de découvrir que de nombreux artistes, au cours des siècles, ont été eux aussi fascinés par cet animal, nous laissant dans les musées d’innombrables représentations.
Dans le portrait de Rosa Bonheur, peint par Edouard Louis Dubufe, la qualité de la représentation du bovin frappe d’emblée le spectateur par la puissance expressive de l’animal, le rendu de sa fourrure et les tonalités de sa robe beige à poils longs ponctuée par la tâche blanche sur sa tête. Mais l’intérêt de ce tableau ne s’arrête pas là. Il s’agit d’un portrait officiel de Marie-Rosalie Bonheur, appelée plus communément Rosa Bonheur et qui fut, bien avant d’être un bar parisien à la mode, une célèbre peintre animalière du XIXème siècle. Son auteur, Edouard Dubufe, n’a pas laissé une grande place dans l’histoire de l’art, contrairement à son modèle. Mais il est intéressant de noter que c’est bien Rosa Bonheur elle-même qui peignit le bœuf qui apparaît à ses côtés, et non Dubufe, faisant ainsi de cette œuvre autant un portrait officiel qu’un manifeste de son propre talent.
Cette femme d’exception, homosexuelle « assumée », est aujourd’hui célébrée comme l’une des pionnières du mouvement d’émancipation des femmes. Artiste à succès, elle consacra sa carrière toute entière à peindre des animaux et des scènes de la vie rurale. Pour peindre ses modèles au plus près, elle parcourait les foires agricoles vêtue en pantalon, tenue hautement transgressive pour l’époque. Par ailleurs, certaines de ses œuvres, et notamment celle-ci, témoignent des mutations de l’élevage bovin en ce milieu du XIXème siècle avec l’amélioration des races et la création des livres généalogiques (herd-book).
Edouard Louis Dubufe, Portrait de Rosa Bonheur, 1865, château de Versailles
Pour finir, à la vue de ce tableau, on ne peut qu’être saisi de certaines petites particularités particulièrement savoureuses. L’artiste est représentée dans une posture très officielle, munie de ses instruments emblématiques et en habit précieux, tout en étant accoudée … à un bœuf ! L’artiste regarde au loin, mais l’animal au premier plan nous regarde, fixement, presque goguenard, nous encourageant sans doute, nous aussi, à l’être un peu.
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