Hervé, l'agriculteur connecté
Quel est votre métier et depuis quand l'exercez-vous?
Je suis agriculteur – éleveur à Mareuil sur Lay en Vendée depuis toujours (je me suis installé en 1980).
Producteur de lait, avec Christine, mon épouse, je suis passionnée de la race Montbéliarde avec laquelle nous avons participé aux plus importants Salons de France : Space, Salon de l’Agriculture de Paris... et gagné de nombreux prix.
Je suis d’abord un militant de la cause agricole, vice-président de la FDSEA de Vendée, Secrétaire Général de la Chambre d’agriculture ou je suis responsable de l’ensemble de l’élevage du département et président de Tech'elevage: salon dédié au high tech dans l’élevage. Je considère la formation des Hommes comme une priorité pour l’avenir de l’agriculture : je suis donc engagé également dans l’enseignement agricole : Président du groupe Etablières à la Roche sur Yon et administrateur national au CNEAP (Enseignement Agricole Privé).
Passionné des débats avec la société, je suis vice-président du Conseil Economique Social et Environnemental régional (CESER) des Pays de la Loire depuis 2012 ou j’ai été rapporteur d’un important travail sur l’agro-alimentaire dans ma région : Quel avenir pour les industries agroalimentaires en Pays de la Loire ?
On vous surnomme l'"ageekulteur" ou l'"agriculteur connecté". Qu'est-ce que les outils numériques ont pu vous apporter ?
Mon métier d’agriculteur est un métier nomade par excellence, mon amie Christiane Lambert a l’habitude de dire : « notre bureau n’a pas de toit » nous travaillons, nous vivons dans les champs, les outils numériques sont d’abord pour moi un lien avec la société. Mon smartphone ne me quitte jamais, j’y ai dessus toutes les OAD (outils d’aide à la décision) qui m’aident à piloter mon exploitation, à notifier mes pratiques agricoles pour assurer la transparence de mes productions et aussi à être en relation avec la multitude via les réseaux sociaux notamment. Par ailleurs, de nombreux capteurs sur nos outils nous facilitent la tache et cela n’est qu’un
début !
Y-a-il beaucoup d'agriculteurs sur les réseaux sociaux? Cela contribue-t-il à améliorer l'image de la profession ?
Les agriculteurs ont le réseau dans leur culture, l’agriculture est un puzzle de micro-entreprises même si nous sommes de moins en moins nombreux. L’utilisation du social média n’est pas encore massivement entrée dans l’utilisation professionnelle pour les agriculteurs. Les choses ont tendance à s’accélérer de façon exponentielle depuis un an et il est incontestable que cela nous permet de renouer du contact avec nos concitoyens. L’image des agriculteurs n’est pas globalement mauvaise dans l’opinion, les gens ont simplement besoin de lien avec ceux à qui ils délèguent par défaut la production de leur besoin vital premier : la nourriture. Les réseaux sociaux sont de formidables outils pour le faire.
L'agriculture consomme beaucoup de ressources naturelles, et les agriculteurs sont parfois accusés d'être de grands pollueurs : l'agriculture qui se redessine va-t-elle permettre de réduire l'impact environnemental ? A court terme ?
Nous vivons probablement la fin d’un cycle, l’agriculture va progressivement passer de l’utilisation massive de ressources minières à l’utilisation massive de connaissances. Nous utiliseront toujours massivement des ressources naturelles mais elles seront renouvelables. Nous le faisons déjà en limitant les utilisations d’engrais chimiques, en les substituant par des amendements naturels essentiellement issus des déjections animales.
J’aime bien à ce sujet le concept de l’économie bleue de Gunter Pauli qui considère avec raison que la nature ne génère pas de déchets, tout s’y recycle. Je ne crois pas à une écologie de rédemption, c’est un fantasme ridicule de tenants de la décroissance. Je crois en une écologie productive fondée sur le bio design et le numérique sera le chainon manquant qui nous permettra de la mettre en place. Nous parlerons peut-être demain grâce au numérique d’écologie quantique pour considérer le vivant dans sa globalité.
Le numérique permet-il véritablement d'innover dans les pratiques agricoles? Avez-vous quelques exemples à nous citer ?
Oui le numérique permet véritablement d’innover dans les pratiques agricoles. Nous pouvons grâce aux satellites, aux drones aux capteurs embarqués ou posés en terre avoir une connaissance très précise de nos champs. A partir des données que nous fournissent ces outils et grâce aux OAD dont je vous ai parlé précédemment, nous pouvons apporter ce dont les plantes ont besoin au bon moment, au bon endroit et ainsi
optimiser la production tout en réduisant quasiment à zéro les gaspillages et donc la pollution. Il en va de-
même pour les animaux. Je développe entre autre cela dans « Agronuméricus : internet est dans le pré ».
Sur la production de viande, pensez-vous que la digitalisation des métiers va contribuer à améliorer la qualité des produits proposés au consommateur ? De quelle manière ?
Trois éléments à ce sujet :
Optimisation de la production : le numérique nous aide dans la surveillance de nos troupeaux aux étapes clés comme ce qui entoure la reproduction (surveillance des chaleurs et des mises-bas), il nous aide également dans le suivi sanitaire et alimentaire par des capteurs surveillant la rumination ou les déplacement des animaux.
Développement de la qualité : Sans entrer dans les détails le suivi préventif diminue considérablement le besoin les besoins d’actes curatifs et donc l’emploi de médicaments comme les antibiotiques.
Contact avec le consommateur : la traçabilité de nos animaux en France est une des meilleure (sinon la meilleure) du monde, il est possible à un consommateur de connaître de quel producteur et même de quel animal viens la viande qu’il consomme. Ce n’est là qu’un début, le digital nous permet beaucoup plus et la transparence sera un gage de qualité.